21.03.2018

Les employés de La Samanna ont manifesté devant la CCISM

Pour protester contre le plan de sauvegarde de l'emploi enclenché par leur direction, et solliciter l'aide de l'Etat et de la COM ils ont manifesté pendant près de deux heures.

Une soixantaine de salariés de La Samanna s’est rassemblée mardi 20 mars à 18 heures pour manifester devant la CCISM en marge d’un dîner organisé dans la CCI avec les socio-professionnels, élus de la COM et représentants de l’Etat. « Nous avons décidé de manifester aujourd’hui car on trouve que l’Etat ne nous soutient pas. La présence du préfet (délégué interministériel pour la reconstruction Philippe Gustin, ndlr) à cette soirée montre que le plus important pour l’Etat c’est que les entreprises ouvrent mais il s’en fiche des conditions dans lesquelles les salariés sont embauchés » considère Franki Lainez, secrétaire du Conseil d’entreprise. « Comme on sait qu’ils sont en fête, la COM, l'Etat, et les entreprises, on vient les embêter un peu » ajoute Julien Boirard, délégué CGTG.

Arborant des pancartes en carton, ils ont scandé leurs revendications : « non aux licenciements ! », « on veut le pognon de La Samanna ». « S’ils (les dirigeants du groupe Belmond, ndlr) ne veulent plus de nous, d’accord. Mais qu’ils nous paient ce qu’ils nous doivent » exige en anglais Emma, standardiste de l’hôtel. « Après 19, 20 ou 25 ans de travail on ne peut pas donner aussi peu d’argent » affirme-t-elle, faisant référence aux indemnités de licenciement prévues par Belmond, propriétaire de l’hôtel de luxe. Pour rappel, le groupe a lancé un plan de sauvegarde de l’emploi le 26 janvier dernier. Les représentants des salariés sont, conformément à la loi, consultés sur les modalités de ce PSE et avaient trois mois à compter de cette date pour faire valoir leurs contre-propositions. Si les salariés multiplient manifestations et réunion ces derniers jours c’est parce qu’il ne leur reste plus qu’un mois pour négocier avec leur direction avant qu’elle n’envoie le PSE à la direction du travail qui doit l’homologuer, ou pas.

Vendredi 16 mars, suite à la manifestation devant La Samanna, « la directrice des ressources humaines nous a informés que quasiment toutes nos propositions ont été refusées et que le groupe restait sur sa position d’origine » avance Julien Boirard. Parmi les solutions qui auraient été refusées par le groupe figurent donc les départs volontaires. Désormais, les négociations semblent se cristalliser autour du montant des indemnités de licenciement. « On a demandé une prolongation de la priorité à l’embauche, ça a été refusé. On a demandé de garder une partie du personnel en CDI ça a été refusé... En revanche, avant, ils proposaient 5000 euros pour les personnes qui voulaient créer leur entreprise dans le cadre du reclassement, ça a été augmenté à 10000 euros, et ils ont aussi accepté d’augmenter les indemnités pour les déplacements géographiques. Mais en dehors de ça, maintenant, ils ne proposent que des licenciements secs, c’est-à-dire avec seulement les indemnités légales minimum. On a des personnes qui ont 43 ans d’ancienneté. On a fait les simulations, ils vont rentrer chez eux avec 15 000 euros ! » poursuit-il désabusé.

Interrogé sur ce que les salariés attendaient de l’Etat et de la COM, qui n’ont pas vraiment de moyen de pression sur le groupe, puisqu’il s’agit d’une entreprise privée, le délégué syndical répond : « l’Etat peut faire en sorte que la direction du travail n’homologue pas le PSE tel qu’il est rédigé actuellement ». Quant à l’intervention de Daniel Gibbs à Londres directement auprès du PDG de Belmond : « Il a vu quelqu’un du groupe qui l’a rassuré sur la réouverture. Lui, c’est ce qui l’intéresse. Les conditions dans lesquelles on va être réembauchés, il n’a eu aucune assurance là-dessus. Mais pour nous ce qui est important c’est de conserver les CDI pour pouvoir planifier notre avenir. On a tous des enfants qu’il faut envoyer à l’université à l’étranger ou en métropole. Si on est saisonnier on ne voit pas comment on va faire ». Concernant les prévisions de réembauche, Julien Boirard rapporte : « le service house keeping va quasiment être supprimé, ils vont faire par prestataire. Ils vont garder les cadres en CDI. On ne sait pas qui ils vont reprendre en CDD. Tout ce qu’on sait c’est qu’on aura une priorité à l’embauche s’ils considèrent qu’on est qualifié et si on accepte le poste, parce que les salaires ne vont pas être les mêmes. C’est reprendre un travail en CDD au SMIC ».

Pendant près de deux heures mardi soir, alors que les invités continuaient d’arriver en tenue de soirée sur le tapis rouge déroulé pour l’occasion, les salariés ont persévéré pour attirer leur attention. C’est ainsi qu’Angèle Dormoy, la présidente de la CCISM est venue à leur rencontre. Surprise de découvrir que les représentants des salariés n’ont pas de lien direct avec la direction du groupe Belmond, elle s’engage à les aider à mettre en place un lien de communication afin que la situation ne finisse pas par dégénérer comme à la Belle créole. « Je comprends ce que vous vivez, ma mère était à la Belle créole quand ils ont licencié tout le monde » a-t-elle assuré. Et de confier : « leur lutte est totalement légitime ». Les salariés ont ensuite entamé un dialogue pour le moins bruyant avec les vice-présidents de la COM Valérie Damaseau et Yawo Nyuiadzi ainsi que le directeur du cabinet du président Hervé Dorvil. Daniel Gibbs est ensuite arrivé pour les écouter et les assurer de son soutien dans la mesure de ses possibilités.

De son côté le groupe Belmond, nous confirmait mardi après-midi par mail « consulte[r] le Conseil (d’entreprise) au sujet de la réorganisation potentielle du modèle économique actuel de La Samanna. ». Il rappelle s’être engagé à rénover l’hôtel, et confirme son intention de rouvrir au cours de l’année 2018. Il ajoute : « au-delà de l’impact de l’ouragan, et afin d’atteindre cette ambition, nous avons identifié des facteurs potentiels pour réorganiser le modèle économique existant et mettre en place un modèle conforme avec le vaste portefeuille de produits Belmond. Les propositions soumises au Conseil d’Entreprise ont pour objectif d’assurer la future viabilité de l’hôtel et de maintenir les opportunités d’emploi local sur l’île à long terme. Belmond s’engage à faire preuve d’ouverture et de transparence envers le Conseil d’Entreprise et les employés affiliés tout au long de ce processus. Nous espérons nous mettre d’accord et apporter une solution équitable à toutes les parties concernées ».

Les représentants des salariés sont supposés rencontrer à nouveau leur direction jeudi 22 mars à 10 heures dans l’enceinte de l’hôtel.

 

Fanny Fontan