Dix mois de prison requis à l'encontre de la conductrice ayant causé un accident mortel
C’est dans une ambiance extrêmement lourde et chargée d’émotions que s’est déroulé jeudi le procès de FBC, une femme âgée de 47 ans, accusée d’homicide involontaire par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur. Le 3 janvier 2020, sa voiture a percuté de plein fouet celle de JC et de son épouse, RA. Si celle-ci, la passagère, n’a été que légèrement blessée physiquement, JC, le chauffeur, a perdu la vie.
Jeudi matin, le mot douleur a été répété à plusieurs reprises. Par les deux parties. RAC et ses trois fils qui se sont constitués partie civile, étaient présents et soutenus par leurs proches, au total une quinzaine de membres était à leurs côtés*. Chacun, à un moment ou un autre de l’audience, a essuyé des larmes. Aucun n’a caché sa douleur d’avoir perdu leur proche. «C’est un dossier très douloureux. (…) J’ai mis du temps à calmer les enfants», a confié maître Karine Linon, le conseil de la partie civile.
De l’autre côté, la prévenue a comparu effondrée. Elle n’a cessé de pleurer, trembler, de tenter de s’exprimer en sanglots. «C’est une douleur inouïe d’être là aujourd’hui. (…) Elle est étranglée par la douleur», a commenté son avocate, maître Marion Tillard. «Elle prend ses responsabilités. Il n’y a pas de suspens, elle a commis une faute pénale mais la faute morale est bien plus puissante ; à jamais les conséquences seront présentes», a essayé de convaincre l’avocate.
Mais pour la partie civile, «l’accident ne pouvait que se produire», a répété maître Linon en fixant à plusieurs reprises la prévenue. Le 3 janvier 2020, FBC boit deux bières avec ses copines à son travail à la Baie Orientale. Puis elle s’arrête au restaurant espagnol à Hope Estate pour acheter le dîner pour ses enfants. Là elle boit quatre autres bières. Puis prend la route nationale en direction de Grand Case. Son téléphone portable posé sur le siège passager bipe à la réception d’une notification. FBC le regarde. «C’est le quart de seconde fatal», commente maître Tillard. Le véhicule de FBC franchit la ligne médiane continue, se déporte d’un mètre sur la voie de gauche selon un témoin et entre en collision avec le véhicule arrivant en face.
FBC sort de sa voiture. «Elle est choquée», raconte le conducteur qui la suivait. Il l’aide puis va porter secours aux passagers de la voiture percutée. Il demande à la passagère, très choquée aussi, si elle peut bouger et l’aide à descendre en lui ouvrant la porte. Il essaie aussi de sortir JC. En vain. Ses pieds sont coincés. Il lui tient la main. La conductrice qui suivait la voiture des victimes, appelle les secours, tient aussi la main de JC. Lui parle et comprend qu’il «rend son dernier souffle».
Les sapeurs-pompiers arrivent sur les lieux entre 10 et 15 minutes plus tard selon les témoins. Ils mettent plus d’une heure pour désincarcérer JC. Les gendarmes sont aussi mobilisés. Des tests d’alcoolémie sont réalisés sur JC et FBC : les résultats du premier se révèlent négatifs, les seconds indiquent un taux de 1,16 g d’alcool par litre de sang (le taux règlementaire étant 0,5 g/l ou 0,25 mg par litre expiré).
FBC reconnaît les faits. De plus, elle confirme ne pas être titulaire du permis de conduire français, uniquement du permis de République dominicaine dont elle est originaire. Elle est rapidement convoquée en comparution immédiate devant le tribunal de proximité de Saint-Martin mais l’affaire est renvoyée ; les juges ordonnant un complément d’enquête.
«Elle n’aurait pas dû être volant», martèle maître Linon en rappelant que l’alcool est la cause de 28 % des accidents en France. «JC et son épouse âgés tous les deux de 59 ans étaient heureux. Ils allaient ce soir chez des amis… », poursuit-elle. «Elle a brisé la vie de cette famille… Aujourd’hui elle est triste… Mais elle est triste pour elle-même… Elle est triste pour elle-même. On aurait aimé qu’elle se retourne vers la famille pour demander pardon, mais elle ne l’a pas fait», lâche l’avocate reprise toutefois par le président du tribunal. «Ce n’est pas fini, la prévenue a la parole en dernier», lui fait-il remarquer. Et c’est en effet la fin de son procès que FBC a choisie pour lire la lettre qu’elle a écrite aux proches de la victime pour leur demander pardon. «Ma vie a changé aussi… Je prie Dieu tous les jours pour qu’il me pardonne. Il ne se passe un jour sans que j’y pense… Pardonnez-moi... Pardonnez-moi... Je suis désolée Madame… Je suis vraiment désolée Madame, je suis vraiment désolé », a-t-elle lu, toujours en pleurs et en sanglots, en regardant la famille.
Dans sa plaidoirie, maître Tillard a également rectifié les propos de sa consœur. «Lors de la comparution immédiate, ma cliente s’est mise à genoux devant RAC pour lui demander pardon…». L’avocate a aussi insisté sur l’état de santé de sa cliente : «elle est sous antidépresseurs, elle ne dort plus. Elle est allée plusieurs fois au CMP consulter des médecins mais comme les interlocuteurs changent souvent, elle est obligée à chaque fois d’expliquer la situation. Elle s’interdit de sortir, d’avoir une vie sociale». FBC a aussi peur du regard de la famille, de ses réactions ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est sortie du palais de justice par une autre porte.
L’avocate de la partie civile a demandé une expertise judicaire médicale de RAC pour évaluer son préjudice, mis en cause l’assurance de FBC (les deux voitures étaient assurées) et ainsi demandé un renvoi sur intérêt civil. RAC ne se souvient pas de l’accident. A la barre du tribunal, elle n’a pas pu raconter ce qui s’était passé en raison d’une perte de mémoire survenue après la collision.
Le parquet a requis une peine de dix mois de prison et une interdiction de conduire pendant deux ans. Le jugement a été mis en délibéré au 18 février
* En raison des conditions sanitaires, tous n’ont pas pu entrer dans la salle d’audience et sont restés dans le couloir à entendre les débats.