30.01.2025

Assises des violences chez les jeunes : « Saint-Martin est à un tournant décisif »

Afin de lutter contre les fortes violences qui ont saisi le territoire récemment, les assises des violences chez les jeunes se déroulaient, ce mercredi 29 janvier, au lycée professionnel Daniella Jeffry.

Il est 16 heures, ce mercredi 29 janvier, lorsque les assises des violences chez les jeunes commencent dans la salle polyvalente du lycée professionnel Daniella Jeffry. Dans la pièce, se tiennent devant le public Vincent Berton, préfet, Xavier Sicot, procureur de la République de Basse-Terre, Annick Pétrus, sénatrice et représentante du président de la Collectivité ainsi que Marie-Hildegarde Chauveau, sous-préfète et organisatrice de l'événement. Face à la montée des violences impliquant des jeunes à Saint-Martin, qu’il s’agisse de violences routières, de rixes ou encore de vols à main armée, ces assises ont pour ambition d’instaurer une réflexion collective et coordonnée, réunissant les acteurs de l’éducation, de la justice, de la santé, de l’autorité, de l’économie et de la société civile. Ainsi, leur but sera de comprendre les causes profondes du basculement de certains jeunes dans la délinquance, de proposer des solutions concrètes en matière de prévention et d’insertion, d’élaborer un plan d’action pluriannuel (2025-2027) ainsi qu’une charte fixant les engagements communs des parties prenantes.

« Aujourd’hui, Saint-Martin est à un tournant décisif. La justice réprime ces violences. 40 à 50 jeunes du territoire sont actuellement déjà emprisonnés à Basse-Terre. Si on ne fait rien, la situation va déraper encore davantage » alerte Xavier Sicot. Les chiffres parlent : dans son discours, ce dernier rappelle que 40% des infractions du territoire sont commises par des jeunes âgés de 18 ans à 25 ans et que 13% des vols à main armée sont effectués par des mineurs. « Ces jeunes méritent une autre vie » insiste-t-il. « La violence est un langage normal chez les jeunes à Saint-Martin. Ces assises traitent de la violence chez les jeunes mais aussi de la violence qu’ils subissent eux-mêmes. Il faut se demander comment on en est arrivé-là, avec un usage d’armes à feu décomplexé et un refus total d’autorité. De ce constat, on pourra en faire ressortir des pistes d’orientations » déclare Vincent Berton qui, comme l’ensemble des intervenants, ne désire pas céder à la fatalité.

Sphère familiale compliquée, influence du quartier, difficultés de scolarisation, rapport conflictuel avec la gendarmerie : afin d’appuyer les propos des officiels, cinq jeunes, auparavant en proie à la violence, étaient également présents pour faire part de leur histoire. « J’avais un abonnement à la gendarmerie » déclare le premier intervenant, aujourd’hui sapeur-pompier. Ayant grandi à Saint-James, sans la présence d’un père, ce dernier passait beaucoup de temps dans la rue. « Un jour, un gendarme m’a dit que si je ne me calmais pas, j’allais finir en prison. J’ai compris que j’étais le seul à pouvoir prendre la décision de changer ». Aujourd’hui chef d’une petite entreprise et père de deux enfants, celui-ci conclut son discours sur le rôle crucial des parents dans la lutte contre cette violence. « J’avais des pensées suicidaires » affirme l’unique intervenante féminine. Violée à l’âge de 18 ans, la jeune femme avait développé des comportements violents envers sa famille, ses amies et les hommes. Aidée psychologiquement et suivi par Jean-Marc Gervais de l’association Jeunesse Soualiga, également présent ce jour-là, la jeune femme de 24 ans est aujourd’hui maman d’une petite fille. « La violence que j’ai subie ne reflète pas qui je suis aujourd’hui » conclut-elle fièrement.

Expliqués en fin d’assises par le vice-recteur, Harry Christophe, les groupes de travail seront constitués autour de six thèmes : le constat des nécessités de la jeunesse, l’environnement social et culturel, le rapport à l’autorité, l’accompagnement et l’insertion, la santé et la parentalité ainsi que l’école. Ces phases de consultations auront lieu entre le 10 février et le 27 mars avant de laisser place à la phase de rédaction du plan d’action du 27 mars au 8 avril. Celui-ci sera présenté dans un bilan le 9 avril.

Cyrile POCREAU