20.02.2025

Avenir institutionnel des outre-mer : L. Mussington interrogé au sujet de Saint-Martin

Il y a un mois, la délégation aux outre-mer déposait à la présidence de l'Assemblée nationale son rapport d'information sur l'avenir institutionnel des outre-mer. Ce document a pour but de «répertorier les souhaits d’évolution institutionnelle les plus consensuels des outre-mer, de manière à être prêt à les mettre en œuvre le moment venu, lorsqu’une réforme statutaire sera lancée»*.

Il se divise en cinq grands chapitres : droit des outre-mer (une comparaison internationale avec des territoires ultramarins étrangers, dont St Maarten, est dressée), les collectivités de l'Océan indien, de l'Atlantique, du Pacifique et les territoires inhabités. Après avoir dressé un portrait et le contexte de chacun des territoires, les membres de la mission ont émis des recommandations. D'ordre général et propres à chaque collectivité, elles sont au nombre de trente.

Dans le quatrième chapitre, une partie est consacrée à Saint-Martin/Saint-Barthélemy. Pour recueillir leurs informations, les rapporteurs ont interrogé en mai 2024 le président Louis Mussington et l'ancien préfet Vincent Berton. A l'issue de ces échanges, les rapporteurs ont émis trois recommandations : finaliser la mise en place de la préfecture de plein exercice et du tribunal judiciaire ; poursuivre la réflexion sur la décentralisation d’autres services de l’État tels que le rectorat et l’agence régionale de santé ; encourager et faciliter les projets de coopération entre la collectivité française de Saint-Martin et Sint-Maarten, pays constitutif du Royaume des Pays-Bas. Il s'agit des recommandations 16, 17 et 18 du rapport. Pour rappel, la mission s'est déroulée en 2023 et 2024, avant que le décret créant la préfecture de plein exercice ne soit rédigé et publié.

«Si la préfecture de plein exercice est la première demande des élus pour poursuivre l’émancipation vis-à-vis de la Guadeloupe, la décentralisation du système de justice est également un objectif important», ont compris les rapporteurs. «Ce constat est partagé par Vincent Berton : le manque d’efficacité concerne aussi d’autres services de l’État – l’ARS (agence régionale de santé), le rectorat, les finances publiques et les tribunaux – encore basés en Guadeloupe», rapportent-ils.

Sur le sujet du tribunal, le précédent ministre des outre-mer, François-Noël Buffet, a indiqué que «le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a proposé au garde des Sceaux la création d’un tribunal judiciaire à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui pourrait voir le jour en 2026». D'où la recommandation de la mission de «finaliser la mise en place d'un tribunal judiciaire», ce qui, cependant,«implique la construction d'une maison d'arrêt» à Saint-Martin. Concernant la création d'une ARS ou d'un rectorat à Saint-Martin, François-Noël Buffet a déclaré qu'«aucune décision [n'avait] été prise à ce stade». Les rapporteurs ont tout de même repris la volonté des élus en l'inscrivant dans une recommandation.

L'entretien avec le président Louis Mussington a permis aux rapporteurs d'acter que, «si le statut de Saint-Martin au sein de la République et de l’Union européenne semble satisfaisant, l’architecture institutionnelle de la collectivité est parfois remise en question». Louis Mussington a insisté sur ce point : «au niveau institutionnel, nous envisageons une modification de l’architecture actuelle, avec une séparation des pouvoirs mieux adaptée entre l’exécutif et l’assemblée territoriale, pour qu’elle soit mieux adaptée aux spécificités locales. L’idée est de créer une forme de “mini gouvernement” avec des ministres et une assemblée délibérante. » Un point de vue que l'ancien préfet partageait : «l’idée d’un gouvernement local distinct de l’assemblée, sur le modèle de Sint Maarten pourrait être envisagée. », leur a-t-il confié.

Dans leur rapport, les députés mentionnent l'avis de la géographe Marion Redon. «De part et d’autre, les territoires cherchent à accéder à un statut rendant la gestion du partage plus pragmatique, ce qui passe par un changement du niveau de prise de décision. Il est indéniable que la coopération entre Saint-Martin et Sint-Maarten serait facilitée si certaines compétences étaient déléguées au niveau des administrations de l’île », convient-elle. D'où la recommandation d'encourager et faciliter les projets de coopération entre la collectivité française de Saint-Martin et Sint-Maarten, pays constitutif du Royaume des Pays-Bas.

Par ailleurs, Louis Mussington a confié aux rapporteurs son souhait d'élargir le domaine de compétences législatives de Saint-Martin. « Sur la forme, [il] souhaite donner un pouvoir législatif à l’assemblée territoriale de Saint-Martin : « Il s’agit de pouvoir adopter des lois de pays, sur le modèle polynésien, avec des actes administratifs de valeur réglementaire soumis au Conseil d’État. » Sur le fond, il souhaite que de nouvelles compétences, actuellement exercées par l’État, soient transférées à cette assemblée : «À Saint-Martin, nous souhaitons obtenir des compétences en matière d’environnement, comme Saint Barthélemy, afin de mieux gérer les risques naturels et les zones côtières, où réside une grande partie de la population. », ont-ils retenu.

* La mission a été constituée en 2023 et le rapport était prêt à être présenté mi 2024, mais en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale, le rapport est devenu caduque. Deux des rapporteurs ont été réélus députés, aussi le rapport a-t-il été repris dans son intégralité.

Estelle Gasnet