Rachat d'Air Antilles : la COM a pris un risque financier «réel» selon la CTC
«Air Antilles : une prise de participation exposée à des risques financiers non maitrisés et déconnectée des capacités financières de la collectivité.» La chambre territoriale des comptes (CTC) consacre une partie ainsi titrée de son rapport sur la gestion de la Collectivité entre 2019 et 2023, à cette opération souhaitée fin 2023 par le président Louis Mussington et sa majorité. Et elle est critique.
La CTC rappelle dans un premier temps l'implication financière de la COM. En décembre 2023, les élus inscrivent au budget de la COM 13,2 millions d'euros pour prendre 60 % du capital de la nouvelle SEM Air Antilles créée (1,2 M€), souscrire 6 millions d'euros d'obligations et apporter 6 autres millions d'euros en avance en compte courant d'associés.
Ces 6 derniers millions ont pour but de couvrir en partie les besoins de fonctionnement d'Air Antilles au cours des premiers mois, c'est-à-dire le temps qu'elle obtienne ses autorisations de vol. Pour rappel, la COM et son associé (CIPIM) se sont engagés «à payer les salaires des 120 agents, les droits à congés payés en cours d'acquisition entre le 1er juin 2023 et le 31 mai 2024». Selon le tribunal de commerce, ce fonctionnement est estimé à 1,82 million d'euros par mois, mais après renégociation de plusieurs contrats «afin d'en reporter les coûts», la SEM décaisse chaque mois 1,2 million.
Mais tout ne se passe pas comme souhaité. Les démarches d'obtention des autorisations de vol auprès des autorités demandent davantage de temps. Le démarrage de l'exploitation commerciale est reporté à plusieurs reprises, ces retards augmentent d'autant les besoins, lesquels sont couverts uniquement par la COM. La CTC note en effet que «la compagnie n'a pu compter pour se maintenir à flot financièrement que sur le soutien financier de la collectivité», «l’engagement réel de l’actionnaire privé, CIPIM, dans cette reprise, se limite à l’apport en capital initial».La chambre territoriale des comptes a ainsi recommandé à la COM de «constituer une provision pour les pertes d’exploitation liées aux conséquences de l’obtention différée des autorisations nécessaires à la reprise de l’activité commerciale d’Air Antilles».
Dans un second temps, la CTC explique que «la souscription d’obligations ainsi que l’avance en compte courant sont des crédits récupérables par la collectivité», soit la somme de 12 millions d'euros. Précisément les 6 millions d'euros apportés en compte courant d'associés doivent au maximum deux ans plus tard (soit fin 2025/début 2026) être remboursés ou transformés en augmentation de capital.
La CTC souligne aussi qu'en cas «de difficultés d’exploitation d’Air Antilles au cours de l’exercice 2024, les marges de manœuvre de la collectivité seront beaucoup plus contraintes» et qu'«aucune nouvelle avance ne peut être accordée par la COM avant que la précédente n'ait été remboursée ou incorporée au capital»*.
Dans ce contexte, la chambre territoriale des comptes estime le risque financier pour la COM est «réel d'autant que la reprise de l'activité s'inscrit dans un contexte concurrentiel dynamique». Et d'insister : «La collectivité s’expose donc à un risque financier très important d’autant que la rentabilité de cet investissement à court et moyen terme n’est vraiment pas assurée. Cette décision est d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans un contexte de dégradation spectaculaire de sa situation financière».
Selon la chambre territoriale des comptes, la prise en charge de la SEM par la COM a «été rendue possible par la déprogrammation de 15,85 M€ de dépenses d’investissement».
* Après la rédaction du rapport, il s'est avéré que la COM a dû voler au secours de la SEM et lui a accordé deux «prêts» d'un montant total de 10 millions d'euros.
-----------------------
L'absence de l'intervention de CIPIM révélée par la CTC
Ces diverses opérations avaient interpellé les membres de l'opposition. À de nombreuses reprises en séance plénière du conseil territorial, ils avaient interrogé la majorité sur les enjeux, les risques pris par la COM ainsi que sur la contribution financière de CIPIM (hors participation de 800 000 euros au capital). Le président Louis Mussington et le premier vice-président Alain Richardson avaient toujours esquivé la réponse.
Nous avions aussi posé cette question au principal intéressé fin février, mais jusqu'à ce jour, aucune réponse nous a été apportée. Elle l'est en revanche par la chambre territoriale des comptes : «la collectivité assume à 100 % toutes les dépenses de la compagnie naissante.» Les raisons de cette répartition n'est par contre pas révélée.