«Le traitement statistique de l’outre-mer est différent de celui de l’hexagone, ce qui est pour le moins anormal »
La semaine dernière, les membres de la commission des lois à l’Assemblée nationale ont échangé sur les articles et amendements qui pouvaient être présentés dans l’hémicycle lors du projet de loi relative à l’égalité réelle entre les outre-mer et la métropole. Plusieurs problématiques ont été abordées, parmi lesquelles celle du manque de statistiques.
La question posée par le président de la commission des lois résume parfaitement la situation : «L’INSEE n’intervient-il pas de la même manière en outre-mer que dans l’Hexagone ?» En théorie oui, mais en pratique non. Et Paris ne cherche pas à rétablir le tir.
«Disposer d’indicateurs statistiques importants – même pour un petit territoire – n’est pas un luxe. Saint-Martin est une collectivité depuis 2008 ; or, encore une fois, le dernier PIB disponible date de 1995», a rappelé Daniel Gibbs. «Ayant à connaître pour avis du budget des collectivités d’outre-mer, je dois dire que cette lacune pose une vraie difficulté sur ce territoire», a poursuivi Ibrahim Aboubacar, député de Mayotte (socialiste, écologiste et républicain). «Il est scandaleux de donner à piloter des avions sans données de base. Or, c’est exactement ce qui se passe dans la plupart des collectivités d’outre-mer, ce qui m’a poussé, en tant qu’ex-président de région de Martinique, à créer un outil statistique propre. Je me demande comment le gouvernement prend ses décisions sans chiffres datant de moins de cinq ou dix ans. C’est inacceptable! », a déclaré pour sa part Serge Letchimy (socialiste, écologiste et républicain), soutenant ainsi Daniel Gibbs dans sa demande de mise à jour des indicateurs de richesse tous les deux ans. Autant d’arguments qui ont visiblement surpris Dominique Raimbourg découvrant ainsi que certaines régions de France ne disposent pas du même traitement.
Le député de Saint-Martin a voulu saisir l’opportunité du projet de loi sur l’égalité réelle entre les outre-mer et la métropole pour combler cette lacune. Il a alors présenté un amendement en ce sens mais qui a été rejeté. «Je comprends cette demande mais rien ne justifie l’instauration d’une différence de traitement, dans la définition des indicateurs, au profit d’une seule collectivité», a commenté Victorin Lurel, rapporteur de la loi, qui a émis un avis défavorable.
Selon le député guadeloupéen, l’amendement de Daniel Gibbs relève du domaine réglementaire, donc ne peut être introduit à ce projet de loi. «En outre, il ne vise pas à pallier l’absence de statistiques mais à « mettre à jour » des indicateurs qui n’existent pas», a-t-il complété pour justifier le rejet de l’amendement. Mais de vouloir rassurer en rappelant que dans le projet de loi a été créé un titre relatif à la statistique et à la collecte des données. «L’information statistique, qui relève d’une mission de service public, n’est pas remplie dans les outre-mer car l’INSEE n’a pas les moyens d’y faire la même chose que dans l’Hexagone. C’est cette lacune qu’il faut combler», préfère dire Victorin Lurel.
Malgré le rejet de l’amendement, Daniel Gibbs, Ibrahim Aboubacar et Serge Letchimy n’ont pas lâché l’affaire pour autant. Ils souhaitent que le problème soit abordé lors d’une prochaine séance publique et que les parlementaires réfléchissent à une réponse à apporter, «ne serait-ce qu’en termes d’engagement de l’État». «L’important est que le débat ait lieu et que chacun sache que le traitement statistique de l’outre-mer est différent de celui de l’hexagone, ce qui est pour le moins anormal», a finalement admis le président de la commission.