« Faire de l’idéal saint-martinois une réalité »
Réformer le cadre juridique et fiscal du foncier pour faire de l’idéal saint-martinois une réalité. C’est ce que propose Alain Richardson à travers plusieurs dispositifs qu’il a présentés vendredi 16 décembre lors d’une conférence à la CCISM intitulée « L’idéal saint-martinois : posséder un lopin de terre et le développer ». « Cette conférence se veut la première d’une longue série sur des thèmes variés » a expliqué aux journalistes le représentant du mouvement «For the love of St Martin » en préambule de l’événement. Avant d’annoncer : « Ce soir nous allons exposer quelques éléments issus de l’histoire afin d’expliquer ce que nous avons appelé « l’idéal saint-martinois ». Selon lui, une grande partie de la population n’a pas droit à une retraite aujourd’hui. Souvent, ces personnes ont dû quitter l’île et travailler à l’étranger, ou simplement côté hollandais. Celui qui avait été élu en 2012 à la tête de la COM considère que « la réglementation actuelle n’encourage pas à l’accès la propriété » ajoutant que « beaucoup de personnes âgées se demandent si ça valait la peine d’avoir investi leurs économies dans la terre en pensant s’assurer une petite retraite. Alors qu’il a fallu, 3, 5, 10 ou même parfois 20 ans pour finir de construire leur maison ».
Face à une salle comble, vendredi 16 décembre, l’historienne Daniella Jeffry, invitée d’honneur de la soirée, s’est attachée à expliquer ce qu’était «l’idéal saint-martinois » en replongeant l’assemblée dans l’histoire du territoire et de ses habitants. Elle s’est notamment appuyée sur les écrits de l'abolitionniste Auguste-François Perrinon, qui dans « Résultat d’expérience sur le travail des esclaves à Saint-Martin » (1847) s’efforce de démontrer que le travail libre est possible, et décrit les esclaves de Saint-Martin comme « libres au milieu de leur servitude ». A la lumière des différentes publications dont elle lit des extraits, Daniella Jeffry affirme que « l’amour de la liberté est inscrit dans l’ADN des Saint-Martinois ». En 1841, deux magistrats de Basse-Terre viennent à Saint-Martin pour vérifier comment les colons traitaient leurs esclaves. Dans un rapport, ils racontent que ces derniers sont traités avec humanité contrairement à d’autres endroits, mais qu’ils ont quand même envie de s’évader. Alors que l’esclavage n’est pas encore aboli, ils possèdent déjà pour la plupart un petit bout de terre sur lequel ils ont construit leur habitation, élèvent quelques animaux et cultivent leur potager : « Les jardins des nègres, écrivent-ils, sont même mieux entretenus que les plantations ».
L’idéal saint-martinois qui se dessine à travers les différents témoignages du passé, est ainsi présenté comme une tradition. Une tradition inhérente à l’identité saint-martinoise. Posséder un bout de terre, et le développer, revient également à s’assurer une retraite. Un bonheur mis à mal selon l’historienne par le chamboulement qu’ont entraîné, entre autres, la défiscalisation dans les années 80 et ses conséquences en termes de démographie et d’urbanisme. Et de citer : « La société saint-martinoise est aujourd’hui une société éclatée où les antagonismes intercommunautaires l’emportent sur la cohésion sociale. Les difficultés économiques avivent des clivages et des tensions qui s’expriment de plus en plus ouvertement. Pourrait-il en être autrement dans une île dont les originaires, longtemps maîtres de leur environnement, de leur culture et de leur mode de vie, ont été réduits, en quinze années de développement débridé, à une communauté minoritaire, tant sur le plan démographique que sur le plan économique ? » Rapport à Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer « Saint-Martin, Saint-Barthélemy : Quel avenir pour les îles du nord de la Guadeloupe ? » Remis par François Seners, maître des requêtes au Conseil d’Etat en décembre 1999.
Lorsqu’Alain Richardson a ensuite pris la parole, il s’est inscrit dans la continuité de l’exposé de l’historienne. Il a alors présenté différentes mesures visant à alléger la fiscalité sur le foncier qu’il accuse de mettre en échec cet idéal saint-martinois. Parmi lesquelles : un nouveau PLU et un cadre réglementaire spécifiques à Saint-Martin, réduction immédiate de 25% de la taxe foncière, création d’un dispositif pour inciter à la création de lotissements territoriaux mais surtout familiaux, mise en place d’un dispositif d’exonération des droits de succession « afin de régler tous les dossiers de succession en souffrance depuis des décennies », pérennisation d’un dispositif d’incitation à la donation de foncier de son vivant, réforme et simplification de l’impôt sur le revenu par la suppression du revenu foncier, création d’une agence destinée à informer et assister la population (notamment sur les 50 pas géométriques), aides à la rénovation, création d’un fonds destiné à financer les travaux de finition…
Alain Richardson avait défini l’objectif de cette première conférence : « Identifier cet idéal pour qu’il devienne une réalité et que d’autre puissent l’embrasser ». Un projet de société qu’il juge « réaliste et pragmatique », et qui selon lui, permettrait en prime de relancer l’économie par la construction…