QPC : Alain Richardson espère que le conseil constitutionnel donnera raison à la COM
«Je suis là en tant qu’ancien président de la Collectivité et non pas en tant qu’homme politique en pleine préparation de futures échéances», a confié Alain Richardson en préambule de conférence de presse, ce mercredi matin. Il s’agissait pour lui de s’exprimer sur le sujet de la QPC récemment posée par la Collectivité et portant sur la compensation de transfert de charges.
La QPC ou question prioritaire de constitutionnalité, est une manière pour une collectivité ou un particulier de contester une décision qui ne serait pas, à son sens, en accord avec la Constitution. La COM de Saint-Martin ayant toujours dénoncé le montant de la dotation octroyée par l’Etat lors du changement de statut pour qu’elle puisse assurer les compétences de l’Etat (dotations qui étaient avant octroyées à aux conseils régional et général de la Guadeloupe et à Saint-Martin en tant que commune), elle a entamé un combat juridique il y a plusieurs années. Le dossier n’aboutissant pas, la COM a décidé de poser une QPC. Celle-ci a été soumise par le tribunal administratif de Paris en charge du dossier, qui l’a soumise au Conseil d’Etat, lequel devait valider la procédure et ainsi la transmettre au conseil constitutionnel, l’instance qui doit statuer, en d’autres termes dire si la COM a raison ou non.
«UNE VOLONTE MANIFESTE DE FAIRE ECHOUER LA COLLECTIVITE»
«J’ai été satisfait que le tribunal administratif accepte de transmettre la QPC et encore plus agréablement content que le Conseil d’Etat accepte de la soumettre au Conseil constitutionnel», a confié Alain Richardson qui dit «avoir confiance» en ce dernier. Si cette instance donne raison à la COM, ce sera une «jurisprudence fondatrice, Saint-Martin sera un exemple» pour toutes les collectivités de France, conçoit-il. En effet, cela prouvera que le montant des charges versées à la COM par l’Etat pour assurer ses compétences sur son propre territoire n’est pas bon. Qu’il est à la défaveur de Saint-Martin. Et Alain Richardson de supposer qu’elle n’est pas la seule dans cette situation.
Pour l’ancien président, «il y a eu une volonté manifeste de faire échouer la Collectivité de Saint-Martin dans son nouveau statut» afin de ne pas inciter d’autres collectivités (d’outre-mer) à vouloir la même autonomie, «à suivre la même voie». «L’Etat ne veut pas voir ses champs de compétences réduits», estime-t-il. Il pousse même à dire que c’est «l’administration qui a le pouvoir». Pas les politiques.
Cette vision, Alain Richardson l’a depuis longtemps. «Lorsque j’étais simple conseiller territorial en 2010, j’avais déjà dit qu’il ne fallait pas se contenter de la simple procédure du contentieux mais qu’il fallait faire usage de la QPC», rappelle-t-il. Aussi dès qu’il a été élu président en 2012, il a planché sur le sujet. «J’avais demandé à mener des consultations juridiques afin d’identifier les voies et les mesures pour qu’une QPC soit mise en route», explique Alain Richardson qui se réjouit que les élus actuels aient repris «son travail».
Son argumentaire est simple : l’Etat n’a pas respecté la Constitution lorsqu’il a calculé le montant de la fameuse dotation puisque toutes les recettes que Saint-Martin percevait en tant que commune, n’ont pas continué à lui être versées. Alain Richardson estime l’amputation à 20 %. Soit les 12 millions d’euros des recettes qu’elle percevait au titre de l’octroi de mer.
Interrogé sur la légitimité à ce que la COM perçoive une part d’une recette qu’elle ne contribue pas à alimenter (l’octroi de mer est une taxe sur les produits importés en Guadeloupe et perçue par la Région qui redistribue le produit entre les différentes communes, or les produits importés à Saint-Martin ne sont pas concernés par l’octroi de mer), Alain Richardson se défend en faisant la différence entre «la source et le principe d’une recette».
Selon la loi, «l’Etat doit, au changement de statut de Saint-Martin, lui octroyer toutes les recettes qu’elle percevait en tant que commune, toutes les recettes qu’elle percevait à ce jour j, quel que soit le mode de financement de ces recettes. Or, en tant que commune, il y avait une ligne, celle de l’octroi de mer, qui n’a pas été prise en compte lors du calcul de la dotation», expose Alain Richardson, pour qui «Saint-Martin a été spoliée».
UNE QPC POUR DÉNONCER L’ÉVICTION DE SAINT-MARTIN DU CICE
Par ailleurs, l’ancien président considère qu’une seconde question prioritaire de constitutionnalité devrait être soulevée par la COM, en rapport celle-ci avec la non-intégration de Saint-Martin dans le périmètre du CICE, ce crédit d’impôt accordé aux entreprises par l’Etat afin qu’elles puissent améliorer leur compétitivité. Les entreprises de Saint-Martin ne sont pas accessibles à ce dispositif national car celui-ci est financé par des recettes fiscales, or Saint-Martin ayant sa propre fiscalité, c’est à elle de mettre en place et de financer son propre dispositif pour ses propres entreprises. Alain Richardson apprécie, lui, la situation de manière tout autre. «Le CICE a été mis en place pour compenser le coût du travail. L’Etat a fait le choix de le financer par une mesure fiscale et non budgétaire, ce qui fait la différence et qui justifie notre non accessibilité. Or, nos entreprises sont tout aussi concernées par le coût du travail que les entreprises de Guadeloupe ou de métropole. Le coût du travail est une compétence de l’Etat, pas de la Collectivité de Saint-Martin. Nos entreprises devraient donc avoir accès à ce dispositif ; elles se retrouvent lésées en étant exclues» argue-t-il.
Pour Alain Richardson, il semble évident qu’il y ait «une volonté de plomber le développement de la Collectivité».