«Je comprends qu’il y ait des difficultés mais celles-ci ne doivent pas devenir des excuses»
Depuis plusieurs semaines, voire mois, des tensions sont perceptibles entre la Collectivité et la préfecture. Quelles relations entretenez-vous avec les élus ?
Je suis arrivée en juillet dernier avec la volonté de co-construire, avec la Collectivité, un projet pour le territoire de Saint-Martin, à partir d’un diagnostic et d’une vision partagée.
Les relations entre la Collectivité, les services de l’Etat sont quotidiennes et productives. Ainsi, c’est ensemble que nous avons élaboré le nouveau contrat de convergence (ex Contrat de Développement Etat/COM) que nous allons bientôt présenter et signer. Nous sommes tombés immédiatement d’accord sur les priorités pour le territoire. Ce document est révélateur d’un mode de fonctionnement : il est l’aboutissement d’un dialogue constructif, d’un travail mené en partenariat pendant plusieurs mois.
Autre exemple de collaboration, la mise en place de traitement des véhicules et bateaux hors d’usage, le traitement des déchets. La création d’instances comme le COSDA ( NDLR : Comité d’orientation stratégique pour l’agriculture)
Lors de la rentrée scolaire, en présence de manifestations des parents, nous avons cherché des solutions avec la COM. Nous avons organisé dix-neuf réunions. Je me suis beaucoup impliquée pour faire baisser les tensions qui étaient perceptibles et entendables compte-tenu des circonstances.
Lorsqu’il y a un problème, il faut une solution rapide sinon ce sont d’autres problèmes qui surviennent. Je comprends qu’il y ait des difficultés mais celles-ci ne doivent pas devenir des excuses. La population n’a pas besoin d’entendre des excuses, elle a besoin d’efficacité.
Je reconnais que je suis assez rigoureuse voire exigeante, mais peut être que c’est nécessaire après une telle catastrophe. Je dis les choses franchement. C’est mon tempérament. Est-ce cela qu’on appelle des tensions ? Il s’agit plutôt de parler vrai.
Depuis le passage d’Irma, on sent la présence très forte de l’Etat qui essaie d’imposer les réglementations dans tous les domaines. Ne pensez-vous pas qu’il faille aussi du temps à la population pour se mettre aux normes ?
Le rapport à la règle est très élastique. Mais il n’a jamais été dit aux gens que les règles sont là pour les protéger et c’est pourtant le cas. Il n’a jamais été expliqué à quoi sert une assurance, comment obtenir les droits sociaux, pourquoi il faut être déclaré quand on travaille pour bénéficier d’une retraite, etc. Une partie de la population, et souvent la plus vulnérable, a vécu ainsi pendant des années. Jusqu’à Irma. Mais Irma a généré une souffrance sociale. Il faut en tenir compte.
Quand on prend le temps d’expliquer, les personnes comprennent. Beaucoup se sont retrouvées dans des situations difficiles parfois par méconnaissance de leurs droits.
Tous les champs doivent bouger en même temps sinon cela n’aurait pas de sens. Je comprends que les règles sont vues comme contraignantes mais il faut les respecter car elles bénéficient à tous. Le Droit protège au niveau individuel et collectif. Ainsi, le contrôle de légalité a pour finalité de protéger la collectivité et la population d’un risque juridique ou d’un risque réel, je pense à l’urbanisme par exemple.
Les contrôles, en matière fiscale notamment, sont perçus comme des contraintes. Mais l’argent collecté permet le développement économique. Ceux qui travaillent et gagnent bien leur vie grâce au territoire, doivent contribuer à son développement. Payer ses cotisations, taxes et impôts est une contrepartie. Restituer en termes d’emploi, de services à la population, de stages, de formation, etc... en est une autre. Dans une démocratie, il doit y avoir des échanges. On peut recevoir mais il faut aussi savoir redonner.
Vous parliez de souffrance sociale après Irma. Certains bailleurs sociaux avaient été accusés par le président de la République de ne pas offrir des conditions de logement correctes à leurs locataires, ils avaient été menacés de poursuites judiciaires. Quelles mesures ont été prises depuis ?
Lutter contre les logements insalubres a été l’une de nos priorités. De nombreuses difficultés sont apparues après Irma. Une partie de la population s’est retrouvée dans des logements indignes mais par peur de les perdre, de perdre un toit, ne disait rien. L’agence régionale de santé (ARS) et la DEAL ont effectué des contrôles, un comité a été mis en place et je le co-préside avec le vice-procureur pour étudier ces situations. En dialoguant avec les bailleurs et les propriétaires, nous avons réussi à trouver des solutions. Aucune poursuite n’a été engagée pour l’instant car tout s’est réglé à l’amiable.
Vous disiez aussi qu’une partie de la population méconnait les lois et donc ne peut se protéger. N’est-ce pas aussi par un manque de services localement ?
Il y a indéniablement un manque d’informations à Saint-Martin. La création des maisons de services au public (MASP) à Quartier d’Orléans et à Sandy Ground est un embryon des actions à mener ; leur mode de fonctionnement doit être impérativement revu. Beaucoup de personnes sont perdues dans les méandres des procédures. J’aimerais revoir la convention entre la COM et l’Etat pour élargir les services rendus.
Pour aider la population, nous devons connaître ses besoins. Je reçois beaucoup et j’essaie de débloquer les situations. Ces rencontres me permettent de mesurer les difficultés et d’identifier nos marges de progrès.
En ce qui concerne le plan de prévention des risques naturels (PPRN), plusieurs réunions publiques doivent avoir lieu. Les dates ont-elles déjà été fixées ? Que va-t-il se passer si la population n’adhère pas au document ?
Protéger la population c’est le rôle de l’État donc mon rôle. Irma a été un sinistre majeur. Il est primordial de faire toutes les études nécessaires pour savoir comment nous devons nous adapter aux nouveaux risques. Cela ne veut pas dire que nous allons détruire et exproprier. Mais les gens doivent connaître les dangers liés à leur zone d’habitation. Et c’est ce à quoi sert le PPRN. D’ici mai, juin, trois réunions publiques seront organisées pour l’expliquer à la population.
Une étude qui a coûté environ 700 000 euros, est en cours et permettra une cartographie extrêmement précise du territoire. Elle reprend les hauteurs d’eau réelles liées à IRMA et les met surtout en rapport avec le relief.
L’urbanisation du littoral engendre une disparition des plages car les sédiments partent avec les vagues et ne parviennent pas à revenir d’autant plus qu’il n’y a pas de rivières pour en apporter de nouveaux.
Ces études vont nous aider à mieux comprendre le territoire et expliquer ainsi à la population quels sont les secteurs les plus dangereux et pourquoi ils le sont. A partir de là, il sera possible de donner des recommandations, des conseils.
Pour les constructions existantes, la situation restera ce qu’elle est tant que des solutions alternatives ne pourront pas être proposées par la collectivité qui a la compétence logement depuis 2012. Les propriétaires ont toujours la possibilité de solliciter le fonds Barnier en s’adressant à la Préfecture. Nous travaillons déjà avec un syndic sur une copropriété d’ Oyster Pond et les copropriétaires ont souhaité s’inscrire dans la procédure d’indemnisation prévue par l’Etat. Tout ceci se réalise sur la base du volontariat.
Pour les nouvelles constructions, la situation sera étudiée au cas par cas en fonction de la gravité des risques mais il est nécessaire de savoir dans quel projet on s’engage, risques inclus.
Nous allons privilégier la pédagogie. Mais en matière d’urbanisme, c’est la responsabilité pénale du président de la COM et la mienne en tant que préfète qui est engagée et c’est tout à fait normal.
En juillet, la démonétisation du RSA doit entrer en vigueur à Saint-Martin. Est-ce toujours d’actualité ?
Une mission IGA (inspection générale de l’administration, NDLR) doit venir à Saint-Martin début mai pour étudier les conditions de mise en place de cette réforme. Je ne veux pas bousculer les choses, je veux qu’elles se fassent correctement. Il existe plusieurs enjeux : l’ouverture des droits, la mise en place de contrôles et la mise en place possible d’une carte type Cohésia.
Par exemple, s’agissant de la carte, nous devons travailler pour éviter certaines dérives. S’agissant de l’ouverture des droits, il faut faire en sorte que toutes les personnes qui ont le droit au RSA puissent en bénéficier. Les contrôles doivent aussi être renforcés pour éviter les fraudes.
Enfin, vous vous impliquez personnellement dans certaines actions, notamment à l’encontre des jeunes. Pourquoi ?
C’est dans mon tempérament, j’ai cette fibre sociale depuis toujours.
J’ai été préfète à l’égalité des chances. J’ai ainsi pu animer et coordonner avec des élus et des associations beaucoup d’ actions dans ce domaine.
Mais, d’une manière plus générale, je considère que c’est le rôle d’un préfet que de développer de tels projets transversaux. Aujourd’hui, je veux continuer à le faire à Saint-Martin grâce au réseau que j’ai tissé tout au long de ma carrière. Ces projets je les fais pour le territoire et au profit de la population. Et surtout pour les jeunes car c’est sur l’éducation au sens large et l’ouverture au monde qu’il faut jouer. La jeunesse est l’avenir du territoire de Saint-Martin.
Nous travaillons aussi sur le PIC, le plan d’investissement dans les compétences. Une enveloppe d’un peu plus de 7 millions d’euros a été budgétisée pour Saint-Martin. Je veux que chaque personne, jeune ou moins jeune puisse trouver une solution et se réaliser pour que tous les talents puissent s’exercer au profit du territoire.
Commentaires
une préfète qui fait son
une préfète qui fait son travail.
enfin une préfète qui n a pas eu son poste pour remerciement en attendant la retraite! l’état ne peut pas payer sans arrêt et que la COM dépense sans contrôle!il y a tellement de mauvaises habitudes depuis de longues années
voyez ce qu'une petite
voyez ce qu'une petite préfecture déléguée peut faire, comparé à l'armée mexicaine de la COM dont l'action visible consiste à couper les maigres touffes d'herbe autour des arbres arrachés, au milieu de routes défoncées, avec des logements bâchés et des écoles en ruine...
Merci à cette Préfète qui
Merci à cette Préfète qui fait un travail remarquable avec une équipe réduite ,qui parle vrai et sait s’opposer ,quand il le faut ,aux absurdités de la Collectivité . Une grande chance pour Saint Martin , pas un Énarque , une femme de contact accessible et sans détour .BRAVO
BRAVO MADAME LA PREFETE, JE
BRAVO MADAME LA PREFETE, JE VOUS ADMIRE. RESTEZ VOUS MEME. MERCI
oula cela ne va pas plaire à
oula cela ne va pas plaire à une certaine catégorie de personnes qui pense qu'être à Saint Martin leur donne tous les droits et aucun devoirs...
il en faudrait beaucoup des
il en faudrait beaucoup des responsables comme cette femme remarquable sans chichi, efficace,abordable, pleine de bon sens , une femme au service de tous ,des plus démunis comme des plus privilégiés ...une femme de terrain .Bravo ! vous faites honneur à la France et aux femmes
Bravo Madame je suis
Bravo Madame je suis heureuse pour l ile de ce que vous préconisez. Merci