17.07.2019

Le Conseil territorial ne veut pas d'une application anticipée du PPRN

Les élus ont donné un avis défavorable au projet soumis par la préfète.

C’est à l’unanimité que les élus du conseil territorial réunis en séance plénière mercredi matin ont décidé de donner un avis défavorable au projet d’application anticipée du plan de prévention des risques naturels (PPRN) soumis par la préfète le 25 juin.

Pour rappel, suite au passage de l’ouragan Irma, le président de la République a demandé à ce que le PPRN de Saint-Martin élaboré en 2011 soit révisé dans sa partie concernant l’aléa cyclonique, précisément submersion marine. Un arrêté préfectoral a ainsi été publié en mars 2019 pour lancer la procédure, l’objectif annoncé étant l’application des nouvelles règles pour l’ensemble des zones et du bâti avant la fin de l’année. Toutefois, la préfète souhaite que soient appliquées par anticipation les nouvelles règles aux nouvelles constructions. Mais pour ce faire, elle a besoin de l’avis du conseil territorial.

«Sur le fond, des divergences majeures persistent concernant la carte de zonage et le règlement, notamment pour la zone rouge foncé, qui interdit sur certains secteurs toute nouvelle construction. Ces éléments ne sont pas compatibles avec une économie du territoire basée sur le tourisme », estime la COM qui a recueilli des «témoignages qui ne corroborent pas les réalités observées lors du passage d’Irma».

«L’Etat impose à Saint-Martin des procédures et des règles importées de métropole sans adaptation au contexte local, sans respecter la population locale. (…) Les Saint-Martinois savent comment construire et se protéger, l’Etat ne doit pas leur imposer les règles venues d’ailleurs, notamment influencé par le lobby des assurances», a commenté Pascale Laborde, conseillère territoriale, présidente de la commission Environnement de la COM.

Cette dernière estime que la compétence aménagement et urbanisme étant du ressort de la Collectivité, «c’est donc à elle de déterminer les zones constructibles et d’en fixer les règles». «A contrario, l’Etat doit s’occuper de sauver les personnes et doit focaliser son intervention sur deux actions : la première, la construction d’abris anticycloniques en nombre suffisant et la deuxième, l’évacuation de la population, la mise en place de procédures obligatoires», conçoit-elle. Et d’ajouter: «l’action de l’Etat doit être d’ordre logistique, financier et organisationnel et ne doit pas imposer des règles de force, qui sont inacceptables pour la population et l’économie du territoire.»

La règle suggérée par les services de l’Etat de déplacer les lieux de sommeil à l’étage, interroge aussi les élus. «Qui dort pendant le passage d’un cyclone de catégorie 4 ou 5 ? », demande Jean-Raymond Benjamin.

Si le débat sur le PPRN en séance plénière a été long car chacun a souhaité s’exprimer, tous les élus – majorité et opposition- s’accordent à dire que cette révision n’est pas acceptable en l’état. «Les conséquences du PPRN sont majeures et quatre mois pour le réviser n’est pas concevable, n’est pas envisageable, n’est pas supportable», a déclaré le président de la COM.

«A Saint-Martin, la compréhension de la population dans son ensemble est un prérequis à l’acceptation des règles. (…) Depuis deux ans, le peuple saint-martinois redoute les mesures prises dans le cadre de cette mise à jour du PPRN, et malgré tout il n’a été donné aux Saint-Martinois que quelques semaines, au pas de charge, pour comprendre et appréhender les enjeux à venir sur leur cadre de vie, celui de leurs enfants et celui de leurs petits-enfants », a précisé Daniel Gibbs qui «ne peut accepter ce règlement » et pour qui «des vents forts sont plus destructeurs que la submersion marine».  Et de faire remarquer que le premier PPRN a été élaboré en 2011, soit 16 ans après le passage du cyclone Luis.

La «sécurité des personnes », argument de l’Etat pour justifier de la révision du PPRN, « ne doit pas être prétexte à la rapidité », conçoit Daniel Gibbs.

Enfin, le président du CESC, George Gumbs, qui a lui aussi donné, sur sollicitation, un avis défavorable, a précisé que la révision du PPRN ne peut être appliquée par anticipation si le conseil territorial n’y est pas favorable.

Estelle Gasnet
4 commentaires

Commentaires

Ils sont extraordinaires ces gens.
Ils veulent le beurre et l'argent du beurre + tout le reste

Vite et bien ne se marient que par opportune coïncidence !Nous sommes dans une précipitation bien loin d'une anticipation !
Gouverner étant prévoir, je salue cette prudence des élus territoriaux, bien aguerris par les résultats vite et bien obtenus pour la continuité des plans de carrière de .... !

Il n'y a pas de pprn à saint Barthélemy?à Marie galante? à la désirade?aux saintes?en Guadeloupe?en Martinique?
Bizarre,Non?

Il existe bien des PPRN pour toutes les îles et communes de la Guadeloupe.
Mais il n'y en a pas pour Saint-Barthélemy car cette Collectivité dispose de la compétence "Environnement", compétence refusée par l'Etat pour la Collectivité de Saint-Martin, au moment de l'élaboration de la Loi Organique de 2007.
La Collectivité dispose toutefois d'une possibilité d'adaptation du Code de l'Environnement qu'elle a déjà utilisée (voir Délibération CT 39-1-2011 du 27 octobre 2011 : http://www.com-saint-martin.fr/journal-officiel-st-martin/JO-n-29.pdf ) mais cette délibération a été presque totalement retoquée par le contrôle de légalité de la Préfecture (à l'exception des seuils de travaux).
Le risque de submersion marine est déjà pris en compte dans le PPRN de Saint-Martin en vigueur depuis 2011. La révision de ce risque ne se justifie que par les niveaux de submersion constatés après le cyclone Irma du 6 septembre 2017. Mais quelle est la période probable de retour d'un tel évènement (conjonction d'un cyclone de catégorie exceptionnelle 5+, d'une pleine lune et d'une grande marée d'équinoxe) ? Décennale ? Trentennale ? Centennale ? Millénaire ? ...?
Pour ce risque de submersion marine, l'Etat a-t-il aussi pris en considération le risque éventuel, mais impossible à évaluer, d'un tsunami (dû, par exemple, à une forte secousse sismique sous-marine ou à l'explosion du volcan sous-marin actif KicK'em Jenny) qui affecterait le littoral de toutes les îles des Antilles ?
Compte tenu de l'importance de notre littoral pour le développement socio-économique de notre territoire, l'avis défavorable et unanime du dernier Conseil Territorial sur le projet de modification du PPRN est parfaitement justifié.
En attendant une hypothétique récupération de la compétence "Environnement", la Collectivité pourrait tenter une nouvelle délibération d'adaptation du Code de l'Environnement, en précisant que toute disposition de modification du PPRN de 2011 ne pourra être prise qu'après un phénomène ayant un caractère prévisible et présentant une probabilité de retour inférieure à 30 ans (une génération).
Sinon, on peut aussi demander à l'Etat quels moyens techniques et financiers il entend mettre en œuvre pour "prévenir" réellement tout risque d'inondation sur notre territoire.