Alain Richardson discute avec les anciens présidents de la COM
Le mois dernier, vous vous êtes exprimé sur le sujet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en tant qu’ancien président. Vous signez également vos tribunes dans les médias ainsi. Pourquoi ce choix ?
Je le ferai de plus en plus souvent. Je m’exprimerai «for the love of Saint-Martin», pour l’amour de Saint-Martin.
Une ébauche de slogan pour les prochaines élections de mars 2017 ?
Je ne sais pas si le mot «slogan» est le plus approprié mais c’est effectivement en ce nom que je m’exprimerai désormais… Je n’ai jamais caché mon amour et mon engagement pour Saint-Martin et sa population, un engagement qui est indéfectible. Je suis convaincu que je peux avoir un apport significatif. Cette année et celles à venir sont des années fondatrices pour le développement du territoire. Ce qui est indispensable de faire pour la population est de pouvoir répondre aux grands enjeux du territoire. Et pour cela, si on veut être efficace, il faut dépasser les clivages politiques habituels et aller au delà de nos égos si on veut agir efficacement.
Pourquoi vous ne voulez pas déclarer votre candidature ? Est-ce encore trop tôt ?
Être candidat, être tête de liste ne doit pas être un but en soi. Aujourd’hui, Saint-Martin a besoin d’un leader pour relever ses défis. Le territoire connaît des années difficiles, des combats sont à mener, notamment contre l’Etat pour obtenir les dotations dues, etc. Je considère qu’au regard de ces enjeux, il serait malvenu de dire «je suis candidat». Dire cela jouerait contre Saint-Martin. L’intérêt général doit triompher sur l’ego.
Vous dites qu’il «faut dépasser les clivages politiques». Comptez-vous ainsi faire des alliances ?
Depuis quelques mois, je suis dans cette démarche de vouloir échanger. Je discute ainsi avec Louis-Constant Fleming et Frantz Gumbs. En tant qu’anciens présidents de la Collectivité et au delà des affinités politiques, nous avons cette analyse en commun des enjeux pour le territoire. Nous avons un certain recul. De par cette expérience, nous pouvons mieux réfléchir à trouver les solutions qu’il faut apporter aux problèmes réels de ce territoire.
Par exemple, nous savons que la manière dont Saint-Martin a été traitée par l’Etat depuis 2007 est très injuste. L’Etat n’a pas été le partenaire qu’il aurait dû être en vertu de la constitution et de la loi organique.
L’un des goulots d’étranglement de la COM, ce sont les moyens financiers qui ont été malhonnêtement supprimés en 2007. Chaque année, il manque 12 millions d’euros dans le budget de fonctionnement. Il est capital de comprendre qu’en France, il est existe des droits et libertés inscrits dans la constitution mais, il est aussi de tradition française de se battre pour que ces droits soient reconnus. Il faut arrêter de jouer une politique classique face à l’Etat et mener les politiques indispensables pour faire émerger ce territoire.
N’avez-vous pas peur que ce combat contre l’Etat se retourne contre vous ou contre la Collectivité ?
Nous sommes dans notre droit. L’administration est un mal français. L’administration a trop de pouvoir. Tout en restant dans le cadre de la République, et en nous adossant à la loi organique. Il est indispensable d’avoir une position ferme et claire.
Vous parlez souvent des « enjeux pour le territoire ». Quels sont-ils selon vous ?
Aujourd’hui Saint-Martin est l’un des territoires où la préoccupation est de gérer une jeunesse alors qu’ailleurs il s’agit de gérer le vieillissement de la population. Cette jeunesse doit être un vrai atout, or en raison des problèmes sociaux, de chômage, d’échec scolaire, etc., liés à un manque de vraies politiques, elle représente une menace pour l’avenir de ce territoire. De plus, nous avons une population qui augmente et un PIB très faible, la combinaison de ces trois éléments peut être dangereuse si on ne réagit et n’agit pas rapidement. Cela peut entraîner une paupérisation de notre société.
Quelle politique préconiseriez-vous ?
Il faut se donner dix ans pour multiplier le produit intérieur brut (PIB) par deux. Et cela doit passer par le développement économique, principalement par le développement du secteur privé. En premier lieu, celui du tourisme. Nous devons accroître notre capacité hôtelière et de plaisance. Nous avons un très fort potentiel qui n’est pas suffisamment exploité.
Deuxièmement, le secteur du commerce doit aussi être boosté, plus particulièrement l’activité d’import-export. J’estime que Saint-Martin doit devenir un hub dans la Caraïbe. Pour cela, le développement du port de commerce de Galisbay doit impérativement se faire ; la troisième phase de développement doit se mettre en place. Je préconise comme je l’avais déjà fait en 2012, la création d’une zone franche à Galisbay. Dans le domaine de l’import-export, Saint-Martin a vraiment une place à prendre.
De même que dans l’e-commerce et les TIC d’une manière générale. Saint-Martin doit aussi devenir un hub dans l’industrie du savoir.
Et en matière sociale, quelles seraient vos actions ?
Saint-Martin a un énorme besoin en logements. Précisément dans les zones concernées par les 50 pas géométriques. Il est impératif de régler ce problème. De nombreux dossiers sont en attente et donc des maisons aussi. Des chantiers ne peuvent être terminés en raison de problèmes financiers car les personnes ne peuvent bénéficier de prêts bancaires, etc. Dans ce dossier, il existe des freins qu’il faut déverrouiller.
Je veux aussi me battre pour que le RSMA soit implanté à Saint-Martin, comme cela devait être le cas. J’aimerais aussi une école de la 2e chance. L’éducation et la formation doivent être des priorités. Nous devons apporter des solutions à cette jeunesse, surtout à celle qui est en souffrance.
Quelle est aujourd’hui votre méthode de travail ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’échange régulièrement avec les anciens présidents. Des groupes de travail ont été mis en place. Je discute aussi beaucoup avec la population afin de bien comprendre ses besoins et ses attentes.
Et avec des membres de l’actuelle majorité ?
Avec certains oui. Mais je veux aller au delà de la majorité actuelle. Au delà du RRR. Aujourd’hui, j’estime que la situation exige une approche plus large, au delà des clivages.
En 2012, lorsque vous avez été élu à la tête de la Collectivité, vous avez pris des mesures impopulaires (contribution de 100 euros, etc.). Ne pensez-vous pas que cela a desservi votre popularité ?
Oui peut-être. Mais je pense que cela a surtout montré que je pouvais avoir le courage de prendre les mesures nécessaires, même si elles étaient impopulaires. Il était nécessaire de les prendre à ce moment. Toutefois, je n’ai pas pu prouver comment elles pouvaient porter leurs fruits.